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Psychorigide : comprendre ce besoin de tout maîtriser

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Maniaque, strict, têtu, voire borné… Les personnes psychorigides nous en font parfois voir de toutes les couleurs. Mais cette exigence, elles se l’imposent d’abord à elles-mêmes. Si ce trait de caractère peut leur assurer de belles réussites, il devient un véritable piège lorsque le besoin de tout contrôler finit par leur faire perdre pied.

Psychorigide, un trait de caractère

La psychorigidité est un trait de personnalité marqué par une rigidité mentale, une forte intolérance au changement et un besoin important de contrôle.

Ce fonctionnement se manifeste particulièrement dans les sphères que l’individu juge essentielles selon ses propres valeurs ou croyances. Cela peut concerner la vie professionnelle, les habitudes de santé, l’organisation quotidienne ou encore le respect de règles morales strictes.

Comme le souligne le Dr Jean-Christophe Seznec, psychiatre, « la psychorigidité consiste à se poser des règles de manière intangible, dans le but de se sentir plus en sécurité ».

La personne psychorigide établit souvent une hiérarchie rigide des priorités, surinvestissant certains domaines tout en négligeant d’autres aspects de sa vie. Cette rigidité peut parfois constituer une force : elle favorise la constance et l’efficacité, notamment dans le travail.

Mais lorsque la flexibilité psychique fait défaut, les difficultés apparaissent. L’impossibilité de s’adapter, de faire face à l’imprévu ou de remettre en question ses repères peut conduire à des échecs.

Comme l’explique le Dr Seznec, cela part souvent d’une rigidité sur le plan cognitif (autrement dit, dans la manière de penser) qui limite l’adaptabilité face aux aléas de la vie. “Ce trait de caractère, s’il n’est pas nuancé, peut exposer l’individu à des déceptions majeures, voire à une souffrance psychologique”, prévient l’expert.

Le terme psychorigide vient du grec « psycho » (psyché, esprit) et du latin « rigide » (raide, inflexible).

Comment se manifeste la psychorigidité ?

Les personnes psychorigides présentent des comportements caractéristiques, marqués par une forte recherche de contrôle et une faible tolérance à l’imprévu. On observe souvent :

  • Un besoin important de contrôle sur l’environnement, les situations et les relations.
  • Une exigence élevée envers elles-mêmes et les autres, avec peu de place pour l’erreur ou l’imperfection.
  • Un attachement rigide aux règles, à la routine et aux normes morales ou comportementales.
  • Une faible tolérance à l’ambiguïté, au changement ou à la différence, toute déviation créant une tension.
  • Une tendance au perfectionnisme, avec une peur paralysante de mal faire.
  • Une difficulté à déléguer, liée à la conviction que les autres feront « mal ou autrement ».
  • Une tendance à imposer son propre cadre de fonctionnement aux autres, ce qui peut être perçu comme de l’autoritarisme.

Psychorigide ne veut pas dire froid ou cruel !

Ce profil peut donner l’image d’une personne dure ou peu empathique. Pourtant, contrairement à une personnalité narcissique (pervers narcissique), le psychorigide n’a pas d’intention malveillante : il ne cherche ni emprise ni domination pour nourrir un ego blessé. Il agit par anxiété, pour se protéger d’une incertitude affective.

Au contraire, le psychorigide fait souvent preuve d’une honnêteté intellectuelle et émotionnelle : il communique clairement, ne laisse pas de place à l’ambiguïté et respecte ses engagements.

Des comportements rigides même en amour 

Derrière cette rigidité apparente peut se cacher une dépendance affective refoulée.

Le psychorigide redoute souvent l’abandon ou le rejet, et cherche à sécuriser la relation en la cadrant, imposant des règles implicites (ponctualité, fidélité, comportements prévisibles), voire en gardant ses distances pour ne pas perdre le contrôle. Ce besoin inconscient de maîtrise peut rendre la relation tendue, voire étouffante.

C’est pourquoi certains cliniciens comparent la difficulté de vivre avec une personne psychorigide à celle de vivre avec une personne souffrant d’un trouble de la personnalité borderline, malgré leurs expressions opposées.

Tandis que le borderline manifeste sa peur de l’abandon par des excès émotionnels et un besoin intense de fusion, le psychorigide cherche la sécurité dans la stabilité, le contrôle ou la distance. Dans les deux cas, il s’agit d’une forme d’anxiété d’attachement, mais exprimée de manière diamétralement différente.

Sur ce point, le Dr Jean-Christophe Seznec précise cependant que les personnalités borderline ne présentent généralement pas ce type de rigidité mentale. Leur fonctionnement est davantage marqué par l’instabilité que par la structuration rigide.

Paradoxalement, il arrive que des traits psychorigides soit décelés chez certaines personnes avec un trouble borderline. Dans ce cas, ces traits opposés créent une tension interne permanente, ce qui complique encore davantage les relations affectives.

La psychorigidité n’est ni une maladie mentale ni un toc 

La psychorigidité n’est ni une maladie mentale, ni un trouble de la personnalité officiellement reconnu par les classifications psychiatriques comme le DSM-5, le manuel de référence en santé mentale.

Cependant, comme le souligne le psychiatre Jean-Christophe Seznec, ce trait peut, dans certains cas, s’inscrire dans le cadre d’un trouble obsessionnel de la personnalité (TOP). Ce trouble se manifeste par un perfectionnisme rigide, une préoccupation excessive pour l’ordre, le contrôle ou la moralité. Mais tout dépend du degrès d’intensité :

Certains psychorigides ne le sont que de manière ponctuelle ou dans des domaines précis, sans que cela n’interfère avec leur fonctionnement global. Ce n’est donc pas un trouble obcessionnel de la personnalité (TOP). Dr. Jean Christophe Seznec.

À l’inverse, la psychorigidité ne débouche pas nécessairement sur des TOC (troubles obsessionnels compulsifs). Les TOC se caractérisent par des pensées intrusives, anxiogènes, appelées obsessions, contre lesquelles la personne tente de lutter par des rituels mentaux ou comportementaux : les compulsions.

Ces obsessions sont dites égodystoniques, car elles sont vécues comme étrangères et perturbantes. Ce n’est pas le cas de la psychorigidité, où les pensées rigides sont égosyntoniques, c’est-à-dire perçues comme cohérentes avec l’image que la personne a d’elle-même.

Le Dr Jean Christophe Seznec rappelle également qu’on ne devient pas obsessionnel compulsif parce qu’on est psychorigide.

“Ce sont souvent les compulsions elles-mêmes (et le soulagement momentané qu’elles procurent) qui piègent la personne dans le cercle vicieux des TOC ”, souligne-t-il. Ce besoin d’apaisement devient alors une réponse quasi automatique à l’angoisse, sans lien direct avec un fonctionnement psychorigide de départ.

La psychorigidité n’est pas un mécanisme de défense

Un mécanisme de défense est un concept largement développé par Freud et la psychanalyse. Il s’agit d’un processus psychique inconscient, utilisé par l’esprit pour se protéger contre des émotions ou des réalités perçues comme menaçantes.

Ces mécanismes font partie du fonctionnement normal de la psyché humaine, mais peuvent devenir problématiques s’ils sont utilisés de façon excessive ou inadaptée.

La psychorigidité, quant à elle, n’est pas un mécanisme de défense ponctuel, mais plutôt un trait de personnalité stable, une structure durable de fonctionnement mental. C’est une manière d’être systématique, et non un processus inconscient et transitoire.

Mais la psychorigidité repose sur des mécanismes de défense !

Cependant, même si la psychorigidité n’est pas un mécanisme de défense en soi, elle joue une fonction défensive globale. Elle permet à l’individu de se protéger contre l’angoisse et l’incertitude. Cette fonction repose souvent sur l’utilisation de mécanismes de défense sous-jacents, tels que :

  • L’isolation : séparer les émotions de la pensée (par exemple, « je contrôle, donc je suis fort »)
  • La rationalisation : justifier tout par des règles ou par la logique
  • Le refoulement : maintenir à distance des émotions ou impulsions dérangeantes
  • La formation réactionnelle : adopter une posture rigide opposée à ce que l’on ressent (exemple : se montrer autoritaire pour masquer une insécurité)

Mais alors, d’où vient cette rigidité mentale ?

Comme beaucoup de traits de personnalité, la psychorigidité résulte d’une interaction complexe entre des facteurs biologiques, psychologiques et sociaux.

En partie innée, elle se développe également au fil de la vie, influencée par un environnement familial ou scolaire exigeant où la rigueur et le contrôle sont valorisés.

Par exemple, un enfant élevé auprès d’un parent très protecteur et organisé peut reproduire ce fonctionnement. Cette rigidité s’observe aussi lorsque les parents eux-mêmes présentent des traits psychorigides, voire obsessionnels.

Selon le Dr Jean-Christophe Seznec, ce trait peut être accentué dans des milieux marqués par une forte codification : institutions hiérarchisées comme l’armée, environnements imprégnés de croyances religieuses rigides, ou contextes où règne un sentiment d’insécurité diffus.

“Dans ces cas, les règles, les croyances ou les routines deviennent des repères rassurants, parfois perçus comme indispensables pour maintenir un sentiment de stabilité intérieure”, souligne-t-il.

Parfois, cette rigidité mentale s’installe après une expérience personnelle marquante, où adopter une posture très « carrée » a permis de se protéger des imprévus ou des échecs.

Enfin, ce trait peut se renforcer à la suite d’épisodes difficiles, comme un stress chronique, une anxiété ou une dépression, qui accentuent le besoin de maîtrise afin de retrouver un sentiment de sécurité.

Tout l’enjeu, est d’assouplir ces règles, ces croyances et ces insécurités, qui ne sont souvent que des histoires que l’on se raconte à soi-même. Docteur Jean-Christophe Seznec, psychiatre.

La psychorigidité, parfois un atout pour réussir

Chez certaines personnes, cette rigueur mentale agit comme un moteur puissant. La capacité à organiser, planifier et respecter des règles strictes permet d’atteindre des sommets, que ce soit dans la carrière professionnelle, le sport ou dans le maintien d’une hygiène de vie irréprochable.

Par exemple, un chef d’entreprise psychorigide peut imposer une discipline stricte à son équipe, assurant ainsi efficacité et résultats. De même, un sportif peut obtenir des performances remarquables grâce à une routine d’entraînement sans faille.

La psychorigidité, un risque d’échec

À l’inverse, cette même rigueur peut se transformer en véritable piège. L’incapacité à s’adapter aux imprévus et à faire preuve de souplesse peut générer des conflits, du stress et de la frustration, voire conduire à un certain isolement.

Un collaborateur qui refuse de déroger à ses méthodes de travail, par exemple, peut freiner la dynamique d’équipe ou se marginaliser sans s’en rendre compte.

Cette difficulté à entrer dans le compromis social constitue, selon le Dr Jean-Christophe Seznec, l’un des points les plus problématiques de la psychorigidité.

Si les règles qu’on s’impose sont trop rigides, elles empêchent toute forme d’ajustement avec les autres. Et si on cherche à les imposer, on tombe alors dans l’autoritarisme. Dr. Jean-Christophe Seznec, psychiatre.

Résultat : la personne risque d’être mise à l’écart, tant sur le plan professionnel que personnel.

La psychorigidité, un modèle de vie adapté

Certaines personnalités psychorigides trouvent leur équilibre et leur épanouissement dans des contextes où elles gardent un contrôle important sur leur environnement.

Par exemple, certains psychorigides sont plus heureux en célibat, préférant éviter les complications affectives qui demandent plus de flexibilité sur le plan organisationnelle et émotionnelle.

Dans le domaine professionnel, beaucoup de personnes psychorigides s’épanouissent particulièrement en tant qu’indépendants (entrepreneurs ou freelances).

Ce mode de vie leur permet de mettre à profit leur rigueur, leur organisation et leur discipline sans avoir à s’adapter constamment aux contraintes d’un travail d’équipe ou d’une hiérarchie.

Les dérives possibles : TOC, burn-out et même… paranoïa !

Lorsque la psychorigidité devient trop envahissante, elle peut avoir un impact négatif sur la santé mentale. Le besoin de contrôle, souvent lié à une anxiété sous-jacente, peut favoriser des troubles comme les TOC, où la rigidité mentale s’accompagne de rituels visant à calmer des pensées intrusives et angoissantes.

Mais la frustration répétée (face à l’impossibilité de tout maîtriser ou de déléguer) peut également entraîner un stress chronique, une dépression, voire un burn-out, en particulier dans des environnements professionnels très exigeants.

De façon plus large, cette rigidité cognitive est fréquemment impliquée dans d’autres troubles psychiques : troubles du comportement alimentaire (TCA), troubles anxieux, addictions, ou encore troubles de l’humeur. Elle y agit souvent comme un facteur aggravant.

Quelle que soit la pathologie une rigidité cognitive importante constitue un frein à la guérison, car elle limite la capacité à s’adapter, à évoluer ou à remettre en question ses schémas de pensée. Docteur Jean-Christophe Seznec.

Il est important de noter que d’autres troubles psychiatriques peuvent eux aussi s’accompagner d’une forme de rigidité mentale. C’est le cas, par exemple, des troubles du spectre de l’autisme (TSA), où cette rigidité est souvent structurelle, ou encore du trouble paranoïaque, où elle prend une forme défensive marquée par la méfiance et l’intolérance à la critique.

Ces cas relèvent cependant de logiques cliniques différentes, bien distinctes de la psychorigidité classique, qui reste un trait de personnalité et non un diagnostic en soi.

Devenir gagnant : contrôler le contrôle !

Heureusement, il est possible d’assouplir sa psychorigidité sans renier ses forces. L’enjeu est de développer une flexibilité mentale, en apprenant à accepter l’imperfection et l’incertitude.

Pour cela, plusieurs outils peuvent être utiles :

  • La thérapie cognitive comportementale (TCC), qui aide à identifier les comportements de surcontrôle à reconnaître leur caractère contre-productif voire destructeur et à apprendre à lâcher prise.
  • L’ACT (Acceptance and Commitment Therapy), citée par le Dr Jean-Christophe Seznec, aide à observer ses pensées plutôt que de s’y identifier. Cette approche invite à se défusionner de ses croyances rigides, à les mettre à distance, et à agir en accord avec ses valeurs plutôt qu’avec ses peurs.
  • La théorie des cadres relationnels, également évoquée par le Dr Seznec, insiste sur l’importance des mots que l’on utilise.
  • Des pratiques comme la pleine conscience, l’hypnose, l’EMDR, ou encore des exercices de respiration et de relaxation, qui favorisent une meilleure tolérance aux imprévus.
  • Renforcer l’estime de soi est aussi une piste précieuse : bien souvent, derrière le besoin de tout contrôler se cache une peur de ne pas être “assez bien”. Apprendre à s’accepter avec ses limites permet de relâcher la pression sans perdre ses repères.
  • Enfin, une introspection et des exercices réguliers de remise en question peuvent contribuer à modérer la rigidité mentale.

Le but ? Conserver la rigueur nécessaire à la réussite tout en évitant le piège de la rigidité paralysante. En somme, il s’agit de contrôler son besoin de contrôle, plutôt que d’en être contrôlé.

Peut-on prendre des médicaments contre la psychorigidité ?

Le médicaments ne sont pas indiqués tant que cette rigidité mentale reste isolée, c’est-à-dire sans trouble associé comme la dépression ou les TOC. Il ne s’agit pas ici d’une maladie, mais d’un fonctionnement à assouplir. Dr. Jean-Christophe Seznec

Vivre avec une personne psychorigide : des conseils pour l’entourage

Comprendre la psychorigidité aide à mieux gérer la relation au quotidien. Pour l’entourage, voici quelques conseils qui facilitent la cohabitation :

  • Faire preuve de patience et de bienveillance face aux besoins de contrôle, sans chercher à déclencher de conflits. L’idéal est de communiquer et d’échanger avec la personne sans critique, ni jugement. 
  • Respecter les règles ou les habitudes importantes pour la personne lorsque celles-ci ne vous posent pas de problème particulier et surtout celles qui lui permettent de se sentir en sécurité.
  • Proposer des compromis plutôt que d’imposer des changements brusques, pour éviter qu’elle se sente trop menacée.

Plutôt que de rejeter en bloc ou d’obéir, il est plus efficace de discuter chaque règle, une par une, pour voir si elle peut être assouplie ou adaptée. C’est souvent à ce niveau-là que se jouent les compromis. Dr. Jean-Christophe Seznec, psychiatre.

  • Encourager doucement la flexibilité, en valorisant les petites adaptations réussies plutôt que de pointer les rigidités.
  • Prendre soin de ses propres limites, en posant des frontières saines pour ne pas s’épuiser émotionnellement.

Avec du temps, de la communication et une réelle compréhension mutuelle, il est généralement possible de s’accorder avec une personne psychorigide. Sa rigueur peut alors trouver sa place dans la relation.

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Cédric

Depuis 1998, je poursuis une introspection constante qui m’a conduit à analyser les mécanismes de l’information, de la manipulation et du pouvoir symbolique. Mon engagement est clair : défendre la vérité, outiller les citoyens, et sécuriser les espaces numériques. Spécialiste en analyse des médias, en enquêtes sensibles et en cybersécurité, je mets mes compétences au service de projets éducatifs et sociaux, via l’association Artia13. On me décrit comme quelqu’un de méthodique, engagé, intuitif et lucide. Je crois profondément qu’une société informée est une société plus libre.

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