Découvrez les conseils d’une psychologue pour gérer des parents toxiques
Grandir avec un parent toxique, c’est vivre dans une forme de dissonance permanente : on aime cette personne, parfois profondément, mais on souffre à son contact. On se sent blessé(e), jugé(e), rabaissé(e)… Et pourtant, on y retourne. Parce que “c’est la famille”, parce que “je lui dois tout”, parce que “je n’ai pas le droit de couper les ponts”. Et parfois parce qu’un espoir nous porte : celui d’être enfin reconnu(e), respecté(e) et aimé(e). Mais quand cette relation devient un poids, quand elle nous empêche d’être bien avec nous-même, il est temps d’en repenser les règles. Découvrez les conseils de Valérie Chemoul, psychologue clinicienne et psychothérapeute à Lille.
Pourquoi est-ce si difficile de s’éloigner d’un père ou d’une mère toxique ?
S’éloigner d’un parent toxique n’est jamais une décision facile, car l’attachement familial est profondément ancré en nous : même si le lien est douloureux, il reste viscéral. « Ce parent, c’est la personne qui vous a élevé(e), qui vous a appris à marcher, à parler… Ou qui vous a fait souffrir. Les émotions sont mêlées, parfois confuses. L’idée de rejeter ou d’interrompre cette relation peut donner l’impression de trahir une part de soi-même », explique Valérie Chemoul.
Ce sentiment d’obligation familiale est souvent renforcé par des normes sociales et culturelles. On nous enseigne très tôt qu’“on n’abandonne pas ses parents”, qu’ils “ont fait de leur mieux”, qu’“ils nous aiment, même maladroitement”. Alors, on excuse, on minimise, on espère. Par loyauté. Par peur du rejet. Par culpabilité. Mais il est essentiel de se rappeler qu’un parent n’a pas tous les droits, que le respect doit être réciproque, et qu’on a le droit de se protéger, même (et surtout) quand il s’agit de sa propre famille !
Par ailleurs, un parent toxique manipule généralement les émotions, en invoquant la culpabilité, le rejet ou des menaces émotionnelles, ce qui complique toute tentative d’éloignement…
Faites le point sur votre vécu : est-ce vraiment une relation toxique ?
De nombreuses personnes vivent une relation douloureuse avec un parent… sans réussir à la nommer. « Est-ce moi qui suis trop sensible ? Est-ce qu’il/elle a juste “un caractère difficile” ? Est-ce que je suis ingrat(e) ? »
Avant de prendre des décisions radicales, il est essentiel de faire un point sur la situation. Et la première étape consiste à clarifier votre ressenti, indique Valérie Chemoul. Posez-vous les questions suivantes :
- Mes choix de vie sont-ils respectés ?
- Ai-je le droit d’exprimer mes émotions sans être jugé(e) ?
- Puis-je exister en tant qu’adulte, ou suis-je encore traité(e) comme un(e) enfant ?
- Est-ce que je me sens mieux, ou moins bien après avoir vu ou entendu mon parent ?
« Il est important de différencier les moments de tensions ou de conflits temporaires des dynamiques réellement destructrices. Si vous vous sentez régulièrement rabaissé(e), culpabilisé(e), contrôlé(e), ou que vos émotions sont invalidées malgré vos tentatives pour clarifier la situation, il y a fort à parier que la relation est dysfonctionnelle.
Notre astuce pour faire le point : tenez un journal de vos interactions. Notez ce qui s’est dit, comment vous vous êtes senti(e), et quelles pensées vous avez eues ensuite. Cela vous aidera à objectiver ce que vous vivez, à repérer les schémas, et à sortir du doute.
Apprenez à poser vos limites en famille et adoptez une posture d’adulte
Le principal enjeu est souvent de reprendre sa place d’adulte et de poser des limites claires. « Apprendre à dire non, à exprimer vos besoins et à vous protéger des comportements nuisibles est primordial », insiste Valérie Chemoul.
Poser des limites, ce n’est pas être cruel ou impoli. C’est définir ce que vous acceptez, et ce que vous refusez. Cela implique de prendre le risque de déplaire. Mais c’est un acte fondamental d’auto-respect. Valérie Chemoul, psychologue clinicienne.
Quelques conseils utiles :
- Restez calme et adoptez une attitude assertive pour éviter les conflits.
- Limitez la durée des échanges : “Je ne peux rester qu’une heure aujourd’hui.”
- Soyez directe(e) et clair(e) : définissez précisément ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas.
- Privilégiez l’écrit (messages, mails) quand les discussions deviennent trop conflictuelles.
- Essayez la technique du “disque rayé” : reformulez calmement la même phrase jusqu’à ce qu’elle soit entendue (ou pas). Et ne vous justifiez pas.
- Tenez-vous à vos limites : une fois définies, ne les transigez pas. Un parent toxique peut essayer de manipuler ou de défier vos limites. Tenez bon pour préserver votre santé mentale !
Cette posture vous aidera à vous détacher des attentes infantiles et à reprendre le contrôle de la situation. Rappelez-vous : Vous n’avez pas besoin d’expliquer ou de vous justifier. Ce que vous ressentez est valide, et vous avez le droit de vous protéger.
Sortez de la culpabilité : vous n’êtes pas un mauvais fils ou une mauvaise fille !
La culpabilité est le principal obstacle à l’éloignement familial. Le sentiment d’être “égoïste”, “ingrat(e)”, “dur(e)” prend parfois le pas, car beaucoup de parents toxiques utilisent la culpabilité comme un levier- consciemment ou non :
- “Avec tout ce que j’ai fait pour toi…”
- “Tu me laisses tomber dans mes vieux jours…”
- “Tu étais mon enfant préféré, je ne comprends pas…”
- Etc.
« Mais vous avez le droit de poser des limites, même si l’autre ne les comprend pas. Vous avez le droit de penser à vous. Vous avez le droit d’exister en dehors de ce lien », insiste Valérie Chemoul. Et d’ajouter : « Un accompagnement thérapeutique peut grandement aider à déconstruire cette culpabilité, souvent héritée de l’enfance. Vous ne devez pas sacrifier votre santé pour répondre aux attentes d’un parent qui ne respecte pas vos besoins ».
Trouvez la bonne distance et coupez les ponts si nécessaire
Chaque situation est unique. Il n’existe pas une seule bonne façon de gérer une relation toxique. L’impostant est de trouver la bonne distance, celle qui vous permet de respirer. Cela peut passer par réduire les contacts, limiter les interactions ou définir des moments précis où vous interagissez avec ce parent.
La rupture familiale est souvent nécessaire…
Si la relation avec votre mère ou votre père est particulièrement toxique, voire risquée, il est aussi possible de couper les ponts, au moins temporairement. « La rupture familiale ne signifie pas que vous avez échoué ou que vous renoncez à vos responsabilités, mais que vous choisissez de prioriser votre bien-être », assure Valérie Chemoul.
Les différentes options à envisager, selon votre contexte :
- Réduire les contacts : pour diminuer la fréquence des conflits et retrouver un peu de sérénité.
- Limiter les sujets abordés : en évitant les thèmes sensibles ou sources de douleur.
- Favoriser la communication écrite : quand le ton monte trop vite à l’oral.
- Mettre la relation en pause : quelques semaines, quelques mois… pour faire le point.
- Couper les ponts : dans les cas extrêmes (violence psychologique ou physique, harcèlement, emprise, etc.). La coupure peut être salvatrice toutes les tentatives de conciliation ont échoué.
Il n’est pas toujours bon de vouloir communiquer ou réparer à tout prix une relation avec un parent qui ne se remet pas en question. Cela peut renforcer son emprise et aggraver votre mal-être. Valérie Chemoul.
Travaillez sur vous pour guérir les blessures passées
Se détacher d’un parent toxique ne signifie pas seulement gérer la relation actuelle, mais aussi guérir les blessures émotionnelles du passé. « Il est important de comprendre comment cette relation a influencé votre développement et comment elle continue à affecter votre vie », conseille Valérie Chemoul.
Des séquelles persistent toujours à l’âge adulte, même après une coupure définitive : manque de confiance en soi, besoin d’être aimé(e) à tout prix, peur du conflit, sentiment de vide, etc. La bonne nouvelle, c’est que l’on peut apprivoiser et se libérer de ces sentiments grâce au travail thérapeutique ! Ce dernier permet :
- De mieux comprendre son histoire, ses blessures.
- De reconstruire son estime de soi, son image intérieure.
- D’apprendre à dire non, sans culpabiliser.
- De rompre les schémas répétitifs, pour ne pas reproduire ce que vous avez subi.
Ce travail sur soi demande du temps, mais il est profondément libérateur !
Parallèlement, vous pouvez opter pour des techniques comme la méditation, le yoga ou la respiration qui aident à gérer son stress et à se recentrer sur soi-même. L’amour et le soutien d’amis ou de proches sains peuvent accélérer votre processus de guérison.
Et si vos parents changent ? Restez prudent et avancez à votre rythme
Oui, il arrive que certains parents évoluent et qu’ils réalisent, parfois tardivement, les dégâts causés. Cela peut être une opportunité, mais avancez avec prudence : le changement réel prend du temps. Ne vous sentez pas obligé(e) de rétablir immédiatement une relation si vous ne vous sentez pas prêt ou n’en ressentez pas le besoin, conseille la psychologue.
Et de poursuivre : « Soyez ouvert à l’idée du changement, mais ne vous précipitez pas pour renouer une relation avant d’être sûr que les changements sont tangibles et durables. Vous êtes libre de tester de nouvelles limites, de redéfinir la relation et de reprendre contact à votre rythme, si vous en ressentez le besoin ».
Prenez le temps d’évaluer les nouvelles dynamiques avant de laisser entrer ce parent à nouveau dans votre vie. Si vous choisissez de lui donner une nouvelle chance, assurez-vous que vous pouvez toujours poser des limites fermes et protéger votre espace personnel. Valérie Chemoul.
Vous avez le droit de choisir la paix intérieure !
On peut aimer ses parents et avoir besoin de s’éloigner d’eux. On peut souffrir d’une relation toxique tout en souhaitant la réparer. Ce n’est pas noir ou blanc : chaque histoire est unique. Mais ce qui compte, c’est de se rappeler que vous avez le droit de vous protéger, de poser vos règles, et même de vous retirer du jeu si les dégâts sont trop lourds. Parfois, reprendre le pouvoir sur sa vie commence par un simple mot : “Stop”.
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