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Derrière la porte | Les « mauvaises habitudes » de Nicolas*

La Presse vous propose chaque semaine un témoignage qui vise à illustrer ce qui se passe réellement derrière la porte de la chambre à coucher, dans l’intimité, loin, bien loin des statistiques et des normes. Aujourd’hui : Nicolas*, 30 ans


Il vient de « frapper un mur ». À 30 ans, alors que tous ses amis commencent à se caser, Nicolas*, lui, ne sait pas comment faire. Ni comment aborder une femme, encore moins comment la séduire. Pourquoi ? Parce qu’à ce jour, il ne s’est essentiellement qu’amusé. Et il le sait.

Comprendre : il a multiplié les « one-nights », sorties chez les danseuses, quand il n’était pas seul chez lui à enfiler de la pornographie. Ah oui, avec un petit joint, pour couronner – ou magnifier – le tout, sait-il aussi.

C’est à la lecture du témoignage de Sam*, il y a quelques mois, que Nicolas a pris conscience de ses « mauvaises habitudes », comme il dit. « En pleine face. »

Ce dernier, souvenez-vous, était coincé dans une spirale de consommation et de pornographie.

« On est plusieurs, des personnes de mon âge, à pas trop savoir comment ça marche, confiait Sam, plus tôt cet hiver. La partie cruise, disait-il, elle n’est comme pas dans mon cerveau. » Malgré un cheminement fort différent, Nicolas, ce grand et timide gaillard aux yeux clairs, abonde.



Lisez Le témoignage de Sam*

C’est comme s’il y avait un chemin parallèle que j’avais emprunté, et à un moment donné, je ne sais plus comment revenir.

Nicolas, 30 ans

Dès l’adolescence, Nicolas cherche surtout à s’amuser, confie-t-il, d’une franchise désarmante qui ne le lâchera pas de l’entretien, attablé dans un petit café du centre-ville. Il a quelques petites amourettes, mais rien de sérieux, et c’est tant mieux. « Je ne voulais pas être en couple ! » Il n’est pas prêt, et ses intérêts sont ailleurs : dans le sport en général, le hockey en particulier.

Pour ses 18 ans, il fête aux danseuses avec ses amis. « J’adorais ça ! » Ce sera la première d’une série d’expériences. À l’époque, et depuis quelques années déjà, il consomme de la pornographie, relativement régulièrement. « Avant de me coucher, ben relax, c’est devenu une habitude pas mal chaque soir. »

Vers 19 ans, il ose une première aventure sexuelle plus ou moins avortée avec une fille dans une soirée : « J’étais assez stressé, c’est assez ordinaire, se souvient-il, tout aussi stressé en se racontant. Avec le stress, tu sais, c’était un peu tout croche. » Il se reprend : « C’EST pas mal tout croche. »

L’année qui suit, il rencontre une fille, sa première et unique copine à ce jour. L’affaire dure un peu plus d’un an. Nicolas se sent particulièrement libéré en la laissant. « Au lit, c’était pas mal ordinaire, elle n’était pas à l’aise, gênée. Et moi, j’étais pas mal stressé. On a eu peu de relations le fun », résume-t-il.

Son « fun » est ailleurs : il regarde de plus en plus de pornographie, et commence en prime à aller de plus en plus aux danseuses. « Et ça ne faisait pas son affaire », se souvient-il.

Il se retrouve donc célibataire à 22 ans. « Et c’est là que le cannabis est entré dans ma vie », enchaîne-t-il.

J’étais célibataire, je voulais profiter de la vie, ça me relaxait, ça me mettait dans le mood.

Nicolas, 30 ans

Il multiplie les aventures d’un soir, des rencontres en ligne ou avec des danseuses sans lendemain. Parfois il y a chimie, parfois pas. « Les deux-tiers du temps, c’est couci-couça. […] Mais je ne voulais absolument pas de relation sérieuse, insiste-t-il. Et les applications, ça aide pour chercher des one-nights. […] Je voulais juste avoir du fun ! »

Ces aventures, aussi moyennes soient-elles, ont le mérite de lui faire gagner en assurance. « Ça m’a dégêné. » Curieusement, sa consommation de pornographie diminue aussi un peu. « Parce que j’ai des relations sexuelles ! », avance-t-il.

Mi-vingtaine, Nicolas rencontre une nouvelle fille dans une soirée, avec qui ça clique particulièrement. « On a une chimie parfaite. On s’entend très, très bien. Comme si on était pareils ! », s’émerveille-t-il. C’est une première. Ils couchent ensemble à répétition, mais elle ne veut pas non plus de relation.

Quand arrive la pandémie, Nicolas met ses aventures sur pause. C’est là que sa vie commence à se compliquer, devine-t-on. Et on devine juste. Il parle ici de sa « période sombre ». Qu’est-ce qui s’y passe, exactement ? Il ne sort évidemment plus. Il ne voit plus grand monde. « Je fume un joint ou deux, et je regarde de la porn, résume-t-il, il n’y a rien de plus facile. […] Dans ta tête t’es buzzé, c’est comme si la fille était là. » Si c’est satisfaisant, ose-t-on ? « La moitié du temps, d’autres fois, c’est devenu comme une habitude. »

Une habitude qui devient son quotidien. Sa consommation devient de son propre aveu « excessive ». Visiblement, ça ne lui réussit pas trop, parce qu’un ami s’inquiète alors pour lui. « Si je me fie à mon meilleur ami, j’avais peut-être des symptômes dépressifs… »

Toujours est-il qu’une fois la pandémie terminée, Nicolas réalise qu’il a pris un pli. Un « mauvais » pli.

Aborder une fille, il y a comme un blocage. Des fois, je gèle là…

Nicolas, 30 ans

Un peu à l’instar de Sam, mentionné plus tôt, « on dirait que c’est trop de trouble », poursuit-il, alors il se réfugie solitairement derrière son écran.

Depuis, il a tout de même renoué avec sa dernière « fuck friend », la fille avec la chimie, avec qui il s’est amusé un temps. Mais on comprend qu’il aimerait aujourd’hui se caser. Et il se sent coincé : « Disons que j’essaye de me décoincer », nuance-t-il.

« À 30 ans, évidemment, c’est comme un mur qu’on frappe. Les amis commencent à avoir des enfants. […] Arrivé à 30 ans, je préférerais avoir une blonde. Mais je ne sais pas comment aborder ! […] L’histoire de Sam m’a fait réaliser beaucoup de choses. […] C’est comme si j’avais besoin d’un manuel d’instructions. Quoi dire, quoi faire, à quel moment ! Et si on pouvait lire dans les pensées ! Peut-être qu’il y a un manque de courage aussi. […] Mais j’ai pris conscience de mes mauvaises habitudes. Et il faut que je change ! »

* Prénoms fictifs, pour protéger leur anonymat



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Auteur : Silvia Galipeau

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Cédric

Depuis 1998, je poursuis une introspection constante qui m’a conduit à analyser les mécanismes de l’information, de la manipulation et du pouvoir symbolique. Mon engagement est clair : défendre la vérité, outiller les citoyens, et sécuriser les espaces numériques. Spécialiste en analyse des médias, en enquêtes sensibles et en cybersécurité, je mets mes compétences au service de projets éducatifs et sociaux, via l’association Artia13. On me décrit comme quelqu’un de méthodique, engagé, intuitif et lucide. Je crois profondément qu’une société informée est une société plus libre.

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