Les injonctions à pimenter sa vie sexuelle avec sa moitié sont légion. Mais la routine, vue comme beige, devrait être réhabilitée, selon des sexologues.
Tout d’abord, pourquoi la routine est-elle perçue comme l’ennemi numéro un de la sexualité ? La sexologue Myriam Daguzan Bernier ébauche une première réponse : « Parce qu’on a appris dans la culture populaire que ça devrait donc bien être grandiose tout le temps, comme dans les films. »
Le quotidien du couple avec ses impératifs – boulot, enfants et autres responsabilités – enlève souvent la spontanéité souhaitée des relations sexuelles. Or, pour la sexologue, cet ingrédient n’est pas obligatoire.
Le train-train habituel et les années effacent aussi le sentiment enivrant des débuts du couple. La nouveauté est très valorisée – elle est associée au désir et à l’excitation –, confirme le sexologue, psychothérapeute et fondateur de sa clinique François Renaud. « Il y a un build-up qui se fait au début de la relation, dit-il. Je fais un effort, mon partenaire me séduit aussi, c’est ça qui crée la flamme. » Mais il y a moyen de recréer cette montée même après des années de relation de couple, assure-t-il (nous y reviendrons).
Un autre danger de la routine est la redondance : on reproduit les mêmes touchers, les mêmes baisers, la relation sexuelle est quasiment un copier-coller de la dernière. « C’est comme écouter la même émission de télé deux ou trois fois par semaine, c’est ennuyant », concède François Renaud. Et le scénario sexuel est souvent centralisé sur la pénétration pour les couples hétérosexuels, ce qui peut devenir vite lassant – surtout pour les femmes, lâche Myriam Daguzan Bernier, autrice du livre Sexe, sexo, sexu !.
Plusieurs routines
C’est donc possible d’avoir une routine sexuelle satisfaisante ? Tout à fait, croient les deux sexologues interviewés par La Presse.
Premier constat : tout va devenir une routine à un certain point, s’exclame Myriam Daguzan Bernier. « Même les pratiques kinky, le BDSM par exemple, vont devenir routinières avec le temps, illustre-t-elle. Pourtant les gens sont quand même excités, ils ont quand même hâte. »
Comment embrasse-t-on cette (satanée) routine alors ? En en ayant plusieurs, répond François Renaud.
« Ça va être dans le style ou l’attitude, le mood que tu vas avoir pendant une relation sexuelle qui va amener beaucoup plus de variété et quelques scénarios différents. » Mais on évite certains pièges : « “Il faut changer de position”, “Faut le faire dans différentes pièces”… Ces microchangements-là donnent l’impression qu’on fait quelque chose de différent, mais finalement pas tellement », indique le psychothérapeute.
On y va plus en profondeur, suggère-t-il. « Je peux te regarder de façon amoureuse ou de façon très cochonne et sexy », décrit-il. Le vendredi soir, on a plus de temps pour avoir un moment avec l’autre ? On varie les durées.
Planifier des rendez-vous peut, et même devrait, faire partie de la routine sexuelle d’un couple, clament les deux experts. « Les gens y résistent beaucoup, indique François Renaud. Mais si tu vois ça d’un œil positif, ça va être agréable. »
Myriam Daguzan Bernier conseille justement de ramener l’excitation et l’atmosphère d’une soirée organisée d’avance : « comme le rituel de prendre un verre de vin le vendredi soir devant une série télé », donne-t-elle en exemple. On retrouve donc cette fameuse montée de l’excitation des débuts. Peu importe l’activité : « c’est pour prendre du temps ensemble et travailler cette intimité-là », dit-elle. On peut toutefois y mettre « une énergie et une atmosphère sexuelles », conseille François Renaud, mais sans aucune obligation de sexualité.
Un autre point positif à la routine : « Ça vient réconforter, il y a quelque chose de fun de savoir ce qu’on est en train de faire », explique François Renaud.
Ce qui, curieusement, permet de jouer davantage avec les « compétences érotiques » qu’on a, plutôt que d’être dans « l’anxiété de la nouveauté ».
Pimenter à tout prix ?
« Il y a des gens pour qui la routine, c’est très effrayant. Rien n’empêche de faire des choses un peu plus originales de temps en temps », indique Myriam Daguzan Bernier. Par contre, on doit s’éloigner d’une performance à tout prix. Pour certains, c’est même une façon de « chercher des réponses rapides sans trop se questionner », indique pour sa part François Renaud. Communiquer ses besoins, ses désirs et des changements qu’on voudrait apporter à notre routine sexuelle peut être « confrontant » et « vulnérabilisant », ajoute Myriam Daguzan Bernier.
La clé pour trouver son bonheur sexuel dans la routine se trouve dans la communication, estime la sexologue. « Il faut être ouvert, dit-elle. Ce que vous vous disiez au début du dating et cinq ans plus tard, ce n’est pas la même chose. » La sexualité du quotidien peut donc évoluer avec le couple, sans rester figée.
Auteur : Florence Dancause
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