Être plus heureux : les astuces de neurosciences pour cultiver le bien-être
Il est possible d’apprendre à mieux gérer ses émotions et son cerveau face aux multiples défis du quotidien. Déception, colère, mauvaise nouvelle, dispute, rumination… voici quelques conseils.
1. J’ai le blues du dimanche soir
C’est normal. Chronobiologique même ! « Le lundi matin est propice à la mauvaise humeur, parce que durant le week-end, nous modifions nos horaires habituels : on a tendance à veiller plus tard le soir et à se lever plus tard le lendemain », constate Pierre-Marie Lledo.
À force, on devient hypersensible, sans possibilité de contrôler nos émotions, parce que le sommeil est l’un des plus efficaces régulateurs de nos humeurs, dit Pierre-Marie Lledo, neuroscientifique, directeur de laboratoire à l’Institut Pasteur et au CNRS, membre de l’Académie européenne des Sciences.
Son conseil : éviter de décaler de plus d’une heure ou deux son rythme quotidien d’endormissement. Le cerveau s’en portera bien mieux.
2. J’apprends une mauvaise nouvelle
Refus de prêt bancaire, mutation imposée, mauvais résultats… « On a le droit d’encaisser l’annonce et d’observer quelle en seront les conséquences », expose Albert Moukheiber, docteur en neurosciences et psychologue clinicien. Toutefois, parce que le cerveau se focalise sur le négatif, l’expert préconise de l’en détacher via deux exercices faciles :
- Le 8,8,8 : je m’interroge sur l’importance qu’aura ce fait dans 8 minutes, 8 jours, 8 semaines, 8 mois… et je relativise ;
- Le paradoxe de Salomon : je me donne des conseils à moi-même comme à un ami : « voilà ce que je ferais à ta place ». « L’idée est de brosser une version plus juste de la situation du moment, sans nier, maximiser ou minimiser les choses, poursuit-il. Par ailleurs, l’encéphale étant un organe qui se prépare à affronter un éventuel danger, il aura automatiquement créé des tensions dans le corps. Il faut se relaxer pour les éliminer. En positivant son état corporel, le cerveau quittera les pensées angoissantes. » Prenez un bain, massez-vous le visage… faites-vous du bien !
3. Je dois faire équipe avec des gens que je ne sens pas
« Le cerveau est projectif, développe Pierre-Marie Lledo, il interprète des indices, des signaux faibles, compare avec son référentiel pour évaluer et catégoriser les individus ». Une source fréquente de préjugés ! « Mais le cerveau est aussi éminemment social, il se nourrit du lien avec les autres. La solution consiste à repérer chez autrui ce que je n’ai pas moi-même – une vivacité d’esprit, un savoir, une expérience – et à me concentrer là-dessus dans une optique de complémentarité ».
Autre conseil : pratiquer l’introspection pour gagner en objectivité : « qu’est-ce qui me fait ressentir cela ? ». En distinguant ce qui relève de l’intuition et ce qui relève de la raison, vous démêlerez les émotions parasites (peur, malaise, méfiance, frustration…) et la réalité (qualités de la personne…).
4. Mes enfants quittent le nid familial, quel vide !
« Ce syndrome entraîne de gros changements dans le quotidien, des pertes de repères qui désorientent », résume Aurore Malet-Karas, docteure en neurosciences cognitives et sexologue. « Le processus d’attachement est en jeu : un visage, une silhouette, une démarche, sont ancrés dans nos neurones, et voir l’autre en photo, l’imaginer, peut faire souffrir, renchérit Pierre-Marie Lledo.
Dès lors, il faut apprendre à lire ses émotions et à les nommer pour les raisonner. » Exemple : « je suis anxieux, mon enfant risque de mal se débrouiller… OK, mais l’éducation, c’est aussi de le rendre autonome. Et il n’est pas dans un coin perdu ». De plus, les routines activées jusque-là étant devenues inutiles, il s’agit d’en établir de nouvelles. Votre enfant ne vit plus chez vous ? Vous pouvez réaménager sa chambre… Grâce à sa plasticité, le cerveau va créer de nouveaux chemins neuronaux qui fixeront ces nouvelles habitudes.
5. Je me suis disputé, c’est fichu !
Lors d’un désaccord, on essaie d’avoir raison sur l’autre en démontrant qu’il est de mauvaise foi, et ça finit par exploser, souligne Albert Moukheiber. L’idéal est d’actionner « le principe de charité », une forme de bienveillance interprétative des échanges ». En clair, je décide de lui prêter de bonnes intentions pour être dans de meilleures dispositions. Quitte à « procrastiner son stress », jusqu’au lendemain pour en diminuer l’intensité. « Repenser à tout ce qui a été positif auparavant dans la relation, diminuera les taux de cortisol (hormone du stress), et pacifiera l’humeur », explique Isabelle Simonetto.
Autres remèdes d’Aurore Malet-Karas :
- 1. Prendre une douche, car on sort fourbu d’un clash ;
- 2. Faire des caresses à un être aimé, un enfant, un animal. « Le toucher est l’un des sens le plus en contact avec nos neurones. La douceur et la chaleur activent le couple hormonal ocytocine-vasopressine, lequel diminue le rythme cardiaque et relâche les muscles profonds. Le cerveau traduit cela en bien-être ».
6. Je suis contrarié, on n’a pas fait ce que j’ai demandé
« Attention à la rumination stérile !, alerte Isabelle Simonetto. On « se tricote des nouilles » en se répétant en boucle « on ne respecte ni mon autorité, ni ma personne ». Le cerveau ne cesse de se fabriquer des hypothèses négatives ». Il s’agit d’en revenir froidement aux faits. Et de se décaler sur d’autres interprétations possibles. « Pourquoi a-t-il agi ainsi ? » Ce n’est pas forcément contre vous. Vos interprétations et votre ressenti sont liés à vos problématiques personnelles. Ici, le manque de considération dans un vécu ou la culpabilité d’être trop exigeant. Vous avez peut-être une estime de soi à renforcer. À vous d’identifier votre vrai besoin, derrière le dépit.
7. Je me sens dépassé, je ne sais par où commencer
Pas question de s’éparpiller dans tous les sens et d’affoler vos cellules grises. « Sinon, la mémoire de travail sera saturée, vous ne pourrez plus donner de sens au projet », précise Pierre-Marie Lledo. Efforcez-vous de décomposer les tâches dans une logique pertinente, et de réduire chacune d’entre elles. Le cerveau arrive à visualiser 5 à 10 items, pas plus.
Il existe de nombreuses techniques de gestion du temps. Retenez celle qui permet d’optimiser l’attention, la méthode Pomodoro qui consiste à rester concentré à 100 % sur une seule tâche durant 25 minutes, et à faire des pauses régulières. « Pour le plus fastidieux, demandez de l’aide autour de vous, recommande Aurore Malet-Karas, dès qu’on remet du lien dans ses activités, le cerveau est au top ».
8. Je suis déçu, ça n’a pas marché. À quoi bon ?
La déception est une émotion forte, qui provoque une baisse d’enképhaline dans le cerveau, un neurotransmetteur qui contribue à inhiber la douleur. Cette baisse conduit à se mettre en retrait, à s’isoler, le moral à plat, pour réfléchir, explique Isabelle Simonetto, docteure en neurosciences, spécialiste en neurobiologie du comportement, fondatrice de Addheo.
Pour surmonter votre déception, conscientisez-la en objectivant par écrit les divers éléments : ceci raté/cela pas raté… Vous pouvez ainsi détecter du positif dans le ratage.
9. C’est encore sur moi que ça tombe, ce n’est pas juste
Pourquoi je n’ai pas la « même attention ? Le même salaire ? »… « On juge avoir le même potentiel que l’autre, on attend les mêmes récompenses. En cas de violation du principe d’équité, nous nous sentons lésés, écartés du collectif, ce qui génère de la frustration, voire de la violence », précise Pierre-Marie Lledo. « On crie à l’injustice et à l’aune de ses propres valeurs, on ressasse : « Je suis relégué au second plan, on ne me fait plus confiance, on me cache un truc ».
« Le mieux est d’agir très vite : décider de voir la ou les personnes concernées, et noter les points à clarifier. Par le seul fait de poser un acte, on n’est plus une victime, mais un acteur de sa vie », assure Isabelle Simonetto.
Notre question aux experts : et vous, vous faites quoi pour être de bonne humeur ?
- Pierre-Marie Lledo : je bouge mon corps en allant travailler à vélo, et j’évite de passer du temps avec les personnes nuisibles ;
- Aurore Malet- Karas : j’ouvre la fenêtre sur un petit jardin, et je contemple durant 3 minutes le ciel, les arbres, les oiseaux, les chats qui errent… ;
- Albert Moukheiber : je fais des microsiestes, toutes les 2 heures ; en me déconnectant de moi, je laisse couler les choses ;
- Isabelle Simonetto : je pratique l’autodérision. « Toi ma grande, tu n’es pas à prendre avec des pincettes aujourd’hui ! ».
En vidéo : comment être heureux ?
À lire
- Neuromania, Albert Moukheiber, Allary Éditions, 21,90 € (septembre 2024) ;
- Cerveau, sexe et amour, Aurore Malet-Karas, éd. HumenSciences, 21 € (septembre 2024).
Sources
Entretiens avec Pierre-Marie Lledo, neuroscientifique, directeur de laboratoire à l’Institut Pasteur et au CNRS, membre de l’Académie européenne des Sciences, avec Isabelle Simonetto, docteure en neurosciences, spécialiste en neurobiologie du comportement, fondatrice de Addheo, avec Aurore Malet-Karas, docteure en neurosciences cognitives et sexologue, et avec Albert Moukheiber, docteur en neurosciences et psychologue clinicien.
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