Le sexe sans amour : bonne ou mauvaise idée ?

Le sexe sans amour : bonne ou mauvaise idée ?

Si certains affirment ne pas pouvoir faire l’amour sans sentiment, d’autres enchaînent « one night stand », sex friends et autres coups d’un soir. Peur de s’attacher ? De souffrir ? De se prendre la tête ? Nous avons cherché à comprendre ce qui est en jeu dans cette pratique du sexe sans amour.

D’après Sébastien Garnero, psychologue et sexologue, ce phénomène a pris de l’ampleur avec la société moderne : « le fait de dissocier l’acte sexuel de la relation et de l’attachement amoureux s’inscrit dans une logique plus large de société de consommation et de jouissance individuelle sans entrave. Cela est centré sur l’immédiateté de la pulsion sexuelle ».

On ferait l’amour comme on fait sa gym, déconnecté(e) de l’autre, avec pour seule motivation la recherche de sensations physiques. Alors, est-ce que ça fonctionne vraiment et, surtout, est-ce que ça vaut le coup ? Notre spécialiste nous répond.

Une stratégie de protection et d’indépendance inefficace sur le long terme

On pourrait se dire que le sexe sans amour présente bien des avantages, comme le fait de ne pas se sentir dépendant de l’autre, de se lâcher, de pouvoir avoir plus de partenaires, et, surtout, d’échapper à la possibilité de souffrir (si l’on n’aime pas, alors on n’est pas dépendant(e) de l’autre, on croit ainsi préserver sa liberté). Or, derrière les corps se cachent des cœurs et des âmes avec des sentiments, des attentes et des désirs.

Qu’on le veuille ou non : quand on fait l’amour, il se passe des choses dans le cerveau. On ne peut pas empêcher le mental de vivre. En voulant scinder le corps et l’esprit, on s’éloigne de ce qui fait notre humanité et par corrélation notre bonheur. Le sexe sans sentiment renie notre nature profonde.

Une des particularités de l’être humain est que la sexualité n’est pas un simple comportement de reproduction. La recherche d’attachement affectif constitue l’une des motivations principales de la sexualité humaine, explique Sébastien Garnero, psychologue et sexologue.

« En réalité, rares sont celles et ceux qui souhaitent dissocier volontairement leur vie affective, amoureuse et sexuelle sur le long terme, excepté ceux qui présentent une difficulté psychique et/ou sexuelle durable ou du moins non traitée », poursuit Sébastien Garnero.

Relation sexuelle sans sentiment : moitié moins de bonheur et de plaisir

Sans sentiment, on se priverait par conséquent d’une bonne moitié de plaisir. D’autant que, comme nous l’avons vu, il est impossible de n’éprouver aucuns sentiments. Nous en avons plus ou moins, des bons ou mauvais, des forts ou faibles, mais jamais pas du tout. Donc la question serait plutôt : est-ce une bonne idée de coucher avec des gens que l’on n’aime pas ou plus ?

« La relation d’attachement est essentielle au sentiment de bien-être dans le temps, poursuit Sébastien Garnero. En s’en coupant, on risque de générer un sentiment de solitude, de retrait relationnel, d’épuisement affectif, de perte de sens de la vie, des signes d’anxiété, de dépressivité… ».

Par ailleurs, les émotions positives associées à l’amour (sécurité affective, complicité, tendresse), et surtout le « besoin d’être aimé(e) », sont également des facteurs fondamentaux de la sexualité des hommes et des femmes. Et une vie humaine sans amour réciproque ne peut être épanouissante dans la durée.

Enfin, d’un point de vue plus trivial, les sentiments entraînent la production d’hormones du bonheur en grande quantité, telle que la sérotonine avec la notion d’attachement par exemple…

Amour ou désir : est-il possible de désirer sans aimer ?

« En pensant se libérer des sentiments, on se condamne à vivre une errance et un nomadisme sexuel et affectif qui, dans la plupart des cas, amèneront progressivement chez certains une forme d’addiction comportementale à la sexualité, à la cybersexualité, ou aux multiples rencontres sans lendemain. Un tel positionnement à long terme ne pourrait s’inscrire que dans une logique addictive de reproduction de sensations, ou de rencontres plus ou moins éphémères sans projet de vie amoureux qui risque de nuire sérieusement à la vie intime ».

Une impossible négation de l’autre

Quand bien même nous arriverions à nier nos besoins affectifs au profit du sexuel, il n’est pas dit que l’autre en fasse autant. À moins, bien sûr, que cela soit très clair entre vous, encore que, comme tout le monde le sait, les contrats sont rarement les mêmes dans la tête de chacun des partenaires.

Cette conception se voulant ‘libérée’, elle réduit la  relation sexuelle au sexuel. Et l’on arrive au paradoxe suivant plutôt cocasse et étonnant : avoir une relation sexuelle  sans ‘relation’. Sébastien Garnero, psychologue et sexologue

Dans quels cas et pourquoi fait-on l’amour sans sentiments ?

Le sexe sans amour est parfois lié au simple besoin que la chair exulte, et, dans ces cas-là, quand l’occasion se présente, que l’on est au clair avec soi-même et que l’on en a envie, il ne faut pas se priver.

Toutefois, selon notre expert : « la plupart du temps, ce comportement est une tentative de compensation d’un mal-être sexuel et/ou relationnel dans le couple, ou lors de phases de célibat. Il s’inscrit dans des processus de réassurance narcissique ou de recherche de partenaires multiples ». Voici les différents cas de figure que l’on peut rencontrer dans la pratique clinique en cabinet de psychologie et de sexologie :

  • Comme transition suite à une rupture amoureuse douloureuse chez une personne qui ne veut ou ne peut pas s’engager dans une relation de couple ;
  • Comme une tentative de répondre à un dysfonctionnement du couple ou frustration sexuelle récurrente par un(e) amant(e) ;
  • Comme modalité de rencontres éphémères pour des célibataires souhaitant uniquement des rapports sexuels sans notion de couple ni engagement ;
  • Comme procédé de réassurance afin de colmater stress, anxiété pour des personnes présentant des problématiques psychiques, affectives, narcissiques, sexuelles ;
  • Comme activité physique sexuelle récréative ponctuelle équivalente à une activité de loisirs pour d’autres ;
  • Comme prolongement d’activités autoérotiques via un partenaire équivalent à un « toy sexuel » ;
  • Comme activité complémentaire ou pour recrutement de nouveaux partenaires pour des couples dits « ouverts, non exclusifs, libertaires, échangistes… » ;
  • Dans des formes d’addictions sexuelles déjà installées, comme suite d’une pornodépendance ;
  • Comme alternative ou complément au recours à la prostitution pour d’autres.

« Donc le sexe sans amour, pourquoi pas de façon provisoire, mais sûrement pas à moyen ou long terme », conclut Sébastien Garnero. Cette pratique peut parfois faire du bien, mais, souvent, elle ne répond pas à tous nos besoins d’êtres humains et atteste d’un manque ou d’une peur que l’on cherche à compenser. Il faut donc chercher à comprendre de quel manque ou peur il s’agit.

Auteur :

Aller à la source