Pervers narcissique : pourquoi cette personnalité toxique est-elle paranoïaque ?
Introduite par le psychiatre Paul-Claude Racamier dès 1978 et popularisée par Alberto Eiguer (Le pervers narcissique et son complice) et Marie-France Hirigoyen (Harcèlement moral, la violence perverse au quotidien), la notion de « pervers narcissique » ne figure ni dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM), ni dans la CIM-11, la 11e révision de la Classification internationale des maladies de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Trop souvent galvaudé, ce terme est la plupart du temps confondu avec le trouble de la personnalité narcissique. Le DMS-5 ne fait d’ailleurs pas de distinction entre un narcissisme pathologique « classique » et une perversion narcissique au sens de Paul-Claude Racamier…
Définition : qu’est-ce que la perversion narcissique ?
La perversion narcissique est un type de personnalité pathologique où la destruction psychique de l’autre est au centre du fonctionnement. « Le pervers commence son emprise sur sa victime par une séduction narcissique. Il cherche les points communs en étant faussement convivial, sympathique, protecteur, à l’écoute. En fait, il est hypercontrôlé, stratégique, calculateur, décrypte Christine Calonne. Il observe les failles de sa proie, puis, via des violences psychologiques et verbales répétées qui s’intensifient avec le temps, il lui fait un véritable lavage de cerveau. Objectif : obtenir le pouvoir. Il maltraite sa proie en l’isolant, en la dénigrant, en la culpabilisant voire en la menaçant ou en lui faisant du chantage ! » Le plus souvent, les victimes sortent exsangues d’une relation avec un pervers narcissique…
Quels sont les traits du pervers narcissique ? Comment le reconnaître ?
« Le pervers narcissique, c’est un peu Dr Jekyll et M. Hyde, commence Christine Calonne. Il est charmant à l’extérieur en public et destructeur en privé ! » Il combine des traits narcissiques à des tendances manipulatrices et destructrices. Cela se traduit par :
- un ego démesuré, un sentiment de supériorité ;
- un besoin excessif d’admiration ;
- un hypercontrôle de son image ;
- une manipulation toxique qui passe par des mensonges, des tromperies, un chantage affectif, une inversion des rôles ;
- une absence totale d’empathie ; une indifférence à la souffrance et aucun sentiment de culpabilité ;
- une jalousie maladive ;
- une paranoïa sous-jacente : méfiance excessive, projection de sa propre toxicité sur les autres.
A contrario, quels sont les signes d’une personne narcissique ?
Attention à ne pas confondre le narcissisme « classique » et la perversion narcissique ! « Le narcissique n’est pas quelqu’un de malveillant, insiste la psychologue. Il est colérique, il dit toujours « moi, je », mais au fond c’est juste un petit enfant débordé par ses émotions. Tandis que chez le pervers narcissique, il y a vraiment une intention de nuire qui est consciente et organisée.
Beaucoup de gens font l’amalgame entre ces deux notions parce qu’ils n’ont pas compris cette nuance fondamentale : le narcissique lutte contre la honte, son mécanisme de défense passe par une surestime de soi ; le pervers narcissique, lui, lutte contre le délire paranoïaque. Christine Calonne, psychothérapeute
Paranoïa : pourquoi le pervers narcissique est-il parano ?
À la différence du véritable délire paranoïaque psychotique, chez le pervers narcissique, la paranoïa est une sorte de mécanisme de défense qui lui permet de protéger son ego fragile. Selon le psychiatre Paul-Claude Racamier la perversion narcissique est un mode de survie psychique visant à éviter un effondrement interne. Ce que confirme la psychothérapeute Christine Calonne : « Le pervers narcissique nie ses conflits intérieurs et ses angoisses profondes. Il s’agit de l’angoisse de disparaître, d’être anéanti par l’autre. Il voit en l’autre l’ennemi à abattre, celui qui veut le détruire. » Et d’ajouter :
L’autre est pour lui une menace et il anticipe l’attaque en attaquant sa proie. Sans identité, il survit en conquérant le pouvoir. Mais, en cas de perte de pouvoir, il peut être submergé par des angoisses qui le font délirer sur un mode paranoïaque ou schizophrénique. Christine Calonne.
Quels sont les symptômes d’un délire paranoïaque chez le pervers narcissique ?
La paranoïa peut se traduire par :
- une méfiance excessive ;
- un sentiment permanent de persécution : il est convaincu que les autres lui veulent du mal et interprète toute critique comme une attaque personnelle ;
- une hypervigilance : il surveille, fouille dans les affaires de l’autre ;
- un besoin de domination justifié par la peur d’être attaqué ;
- une intolérance à la contradiction
- une projection de ses propres défauts sur les victimes : il attribue aux autres ses propres intentions négatives.
Quel est le traitement de ce trouble de la personnalité pathologique ?
Le traitement de la perversion narcissique est complexe. En effet, le sujet ne se considère pas comme malade et ne demande presque jamais de l’aide. « En général, c’est l’entourage qui pousse les pervers narcissiques à consulter, confirme Christine Calonne. Ces derniers mettent en œuvre des mécanismes de défense pour éviter de sombrer dans la psychose.
Pour autant, la perversion narcissique n’est pas une psychose, comme certains ont tendance à le penser. Les pervers narcissiques se défendent de la psychose par des défenses qui sont névrotiques : ils ont un narcissisme grandiose, des mécanismes pervers et sociopathes mais ils sont bien ancrés dans la réalité. Ils ne sont pas du tout psychotiques mais se défendent contre un délire paranoïaque… » Et de conclure : « La prise en charge repose principalement sur une thérapie adaptée à la problématique par exemple l’EMDR ou la théorie polyvagale. »
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