Voici pourquoi certaines personnes paniquent à la vue d’un lézard
Imaginez : vous profitez du soleil en terrasse et les cigales chantent, quand soudain… Votre regard se fige. Là, à quelques mètres, un lézard se glisse dans l’interstice d’un muret. Vos muscles se tendent, votre souffle se coupe, votre cœur s’emballe. Vous savez qu’il n’y a aucun danger, mais c’est plus fort que vous : une vague de panique vous submerge. Vous êtes sans en proie à l’herpétophobie, une peur irrationnelle des reptiles, qui transforme chaque rencontre en un véritable cauchemar. D’où vient cette angoisse incontrôlable ? Et surtout, comment la dompter ? Réponses de Cédric Daudon, psychologue cognitiviste à Ajaccio.
Définition : qu’est-ce que l’herpétophobie ?
L’herpétophobie est une zoophobie qui désigne la peur envahissante et incontrôlable des reptiles. Si l’appréhension envers ces animaux est relativement courante dans la population générale, l’herpétophobie, elle, se distingue par l’intensité des réactions qu’elle provoque : « Cela peut aller d’un simple malaise à une véritable crise de panique, même en l’absence de danger réel. Certaines personnes éprouvent une anxiété intense à la vue d’un reptile, que ce soit en photo, en vidéo ou en captivité, tandis que d’autres peuvent ressentir de l’angoisse à la simple idée d’en croiser un dans la nature », explique Cédric Daudon.
Serpents, lézards, crocodiles…
L’herpétophobie ne concerne pas forcément tous les reptiles. Certaines personnes ont une peur généralisée de tous les reptiles (serpents, lézards, crocodiles, alligators, tortues, caméléons, etc.), tandis que d’autres sont uniquement effrayées par certaines catégories, comme les serpents (ophiophobie ou ophidiophobie) ou les lézards.
Quelles sont les causes de l’herpétophobie ?
L’herpétophobie peut avoir plusieurs origines, souvent liées à des facteurs biologiques, psychologiques et culturels.
Origine évolutive
La peur des reptiles pourrait être innée et issue de l’évolution. En effet, nos ancêtres ont dû développer une vigilance accrue pour éviter des animaux potentiellement dangereux afin de survivre, rappelle Cédric Daudon. Certaines études suggèrent que notre cerveau serait programmé pour détecter les formes et les mouvements des reptiles, qui ont longtemps représenté un danger majeur pour l’Homme.
Expérience traumatique
Un contact négatif avec un reptile peut laisser une empreinte durable, qui conduit à une phobie. Cela peut inclure des événements comme une morsure, une attaque, ou même une simple surprise provoquée par un reptile. Des récits de mauvaises rencontres, souvent racontées par un proche, peuvent aussi jouer un rôle.
L’influence culturelle et sociale
Dans de nombreuses cultures, les reptiles sont souvent associés au mal, à la tromperie et au danger. Dans la Bible, par exemple, le serpent est représenté comme une figure négative, symbolisant la tentation et le péché. Cette représentation biblique est loin d’être un cas isolé. À travers les siècles et les cultures, les serpents ont été vus comme des symboles de danger, ce qui a nourri une peur collective. Les médias et le cinéma amplifient encore cette association, en mettant en scène des serpents venimeux ou des créatures reptiliennes menaçant l’humanité dans des films d’horreur.
Apprentissage par imitation
Un enfant peut tout simplement imiter l’attitude d’un adulte en le voyant réagir avec peur, dégoût ou méfiance face aux reptiles. « Si un parent, un enseignant ou un ami montre de la crainte face à un serpent ou un lézard, l’enfant peut naturellement intégrer cette peur comme un modèle de comportement à suivre », prévient Cédric Daudon. Cela illustre parfaitement comment l’environnement social et les relations interpersonnelles impactent le développement des phobies.
Prédisposition génétique et anxieuse
Enfin, certaines personnes sont plus susceptibles de développer des phobies en raison de leur tempérament ou d’une prédisposition génétique à l’anxiété. Cette vulnérabilité peut rendre certaines personnes plus sensibles aux stimuli effrayants, même lorsque ces derniers ne présentent aucun danger réel. La réaction de peur est ainsi amplifiée par des facteurs internes, indépendamment de la nature du stimulus extérieur.
Peur panique des serpents ou des lézards : quels symptômes doivent alerter ?
Vous l’aurez compris, l’herpétophobie diffère d’une simple appréhension par plusieurs caractéristiques spécifiques :
Intensité de la réaction émotionnelle
L’herpétophobie se distingue par l’intensité disproportionnée de la peur ressentie par les personnes concernées. Pour rappel, même la simple pensée ou l’évocation d’un serpent peut suffire à déclencher une réaction émotionnelle extrême. Il ne s’agit pas d’une simple nervosité ou d’une légère inquiétude, mais d’une peur intense qui peut entraîner un profond sentiment de danger et des symptômes physiques. L’appréhension, elle, est plus modérée et ne génère pas de réponse émotionnelle aussi forte : la personne peut se sentir légèrement mal à l’aise ou stressée, mais sans que cette sensation ne soit accablante ou paralysante.
Réactions physiques
L’herpétophobie peut entraîner des symptômes physiques comme :
- une accélération du rythme cardiaque, parfois accompagnée de palpitations visibles ;
- des sueurs abondantes, même si la situation ne justifie pas une telle réaction physique ;
- des tremblements, principalement au niveau des mains, mais parfois dans tout le corps ;
- des nausées, parfois si fortes qu’elles peuvent mener à des vomissements ;
- une sensation de vertige, rendant la personne presque incapable de se stabiliser physiquement ;
- voire des attaques de panique, souvent accompagnées de difficultés respiratoires, d’une sensation de suffocation, et d’une incapacité totale à rationaliser la situation.
Comportements d’évitement
Les personnes qui souffrent d’herpétophobie adoptent souvent des comportements d’évitement pour fuir toute situation où elles risquent de rencontrer des serpents ou des représentations de reptiles. Cela implique d’éviter les endroits où ces animaux peuvent être présents, comme certains parcs, jardins ou même certaines expositions en musées. Les films, photos, ou discussions portant sur des reptiles peuvent aussi être sources d’anxiété insupportable.
Dans les cas les plus sévères, cette stratégie d’évitement peut interférer de manière significative avec la vie professionnelle, sociale et personnelle de la personne. Par exemple, une personne peut refuser de se rendre dans des lieux ou de participer à des événements par peur de rencontrer un serpent, ce qui peut entraîner un isolement social, voire des difficultés dans le cadre de son travail si une telle situation se présente de manière imprévisible.
Traitements : comment vaincre la phobie des serpents et autres reptiles ?
Plusieurs approches thérapeutiques permettent heureusement de prendre en charge l’herpétophobie !
Thérapie comportementale et cognitive (TCC)
La thérapie comportementale et cognitive (TCC) est l’une des approches les plus efficaces pour traiter la phobie des reptiles. Elle combine deux méthodes principales :
- La restructuration cognitive. Cette technique aide à identifier et à remettre en question les pensées irrationnelles liées à la peur des serpents. Le but est de remplacer les croyances erronées par des pensées plus réalistes, explique Cédric Daudon. Oui, certains reptiles sont potentiellement dangereux, mais ils ne représentent pas une menace constante au quotidien !
- L’exposition graduée. Ce processus consiste à exposer progressivement la personne à sa peur, en commençant par des images ou des vidéos de serpents et en évoluant vers des situations réelles (observer un serpent dans un enclos sécurisé, toucher un caméléon sous supervision, etc.). Cette exposition contrôlée permet de réduire l’anxiété, de diminuer l’évitement et d’aider la personne à développer des mécanismes de gestion de l’anxiété.
Thérapie d’exposition immersive en réalité virtuelle
La thérapie par réalité virtuelle est une approche innovante qui permet au patient de vivre une expérience d’exposition à des serpents dans un environnement virtuel, en toute sécurité. Cela permet de surmonter la phobie sans être confronté à un réel reptile, tout en bénéficiant des effets thérapeutiques de l’exposition graduée.
L’EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing)
L’EMDR est une technique thérapeutique utilisée pour traiter les traumatismes psychologiques. Elle consiste en des mouvements oculaires ou autres stimulations bilatérales pour aider à désensibiliser le patient face à des souvenirs traumatiques ou anxiogènes. « Dans le cadre de l’herpétophobie, l’EMDR permet de traiter la peur associée à des événements traumatisants, en aidant le patient à modifier ses réactions émotionnelles face aux serpents et à réévaluer sa perception de la menace qu’ils représentent », précise Cédric Daudon.
La relaxation et autres techniques de gestion du stress
Les techniques de relaxation telles que la méditation, la respiration profonde ou la relaxation musculaire progressive sont souvent utilisées en complément de la thérapie comportementale et cognitive. Elles aident à réduire l’anxiété, à gérer les symptômes physiques de la peur (tremblements, transpiration, palpitations), et à renforcer la capacité à rester calme pendant l’exposition graduée à la peur.
L’hypnose thérapeutique
L’hypnose thérapeutique est parfois utilisée pour traiter les phobies, y compris l’herpétophobie. L’objectif est d’induire un état de relaxation profonde et d’utiliser des suggestions pour changer les perceptions et réactions émotionnelles face aux reptiles. L’hypnose permet ainsi de reprogrammer le subconscient pour réduire la peur ou modifier la réponse émotionnelle à la vue d’un serpent, en permettant au patient de se détacher des pensées anxieuses.
La thérapie par la pleine conscience (Mindfulness)
La pleine conscience consiste à se concentrer de manière non-jugeante sur le moment présent, en prenant conscience de ses pensées, émotions et sensations physiques sans chercher à les éviter ou à y réagir de manière excessive. Appliquée à la phobie, cette approche permet au patient de prendre du recul face à ses pensées anxieuses et de vivre la peur sans se laisser submerger par elle. L’objectif est d’aider la personne à accepter la présence de la peur tout en réduisant son impact.
Les médicaments sont-ils efficaces ?
Les médicaments ne permettent pas de traiter une phobie à proprement parler. En revanche, ils peuvent être prescrits dans des cas sévères, notamment pour gérer les symptômes d’anxiété ou les attaques de panique qui surviennent face aux reptiles. Des benzodiazépines sont parfois prescrits pour soulager les crises d’angoisse aiguës. Des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) peuvent aussi être utilisés à long terme pour traiter l’anxiété et les troubles de panique associés à la phobie. Quoi qu’il en soit, ils sont prescrits pour une courte durée, en parallèle d’un traitement psychothérapeutique !
L’éducation et la sensibilisation
Une autre approche utile consiste à fournir des informations factuelles et précises sur les reptiles concernés. Les patients peuvent parfois se détacher de leurs peurs irrationnelles en apprenant à mieux comprendre leur comportement, leur rôle dans l’écosystème et leurs risques réels pour l’homme.
L’approche la plus efficace varie d’une personne à l’autre, mais avec de la persévérance et le soutien d’un professionnel de la santé mentale, il est possible de surmonter cette phobie ! Cédric Daudon, psychologue cognitiviste.
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